10.6.14

Art: 8. Berlin Biennale


De bon matin, je me rends bon train, curieuse et enthousiaste à l'ouverture de la 8e Biennale de Berlin. Elle se partage cette année entre trois lieux qui sont situés sur un axe sud-ouest, centre.
A priori ça s'annonce intéressant car le curateur Juan A. Gaitán proclame que le temps de "l'après mur" est consommé. Il nous propose donc pour ce 8e chapitre, de sortir des sentiers battus, que sont les lieux désaffectés et autres traces architecturales Est Allemandes incongrues... Il est vrai que ce genre de lieux se font de plus en plus rares, ayant été sauvagement assainis ou éradiqués, par ailleurs pour notre  bien, par les hordes de spéculateurs auxquels la Mairie rouge les livre...
Critique, il choisit donc des lieux porteurs de l'esprit du temps ... Du renouveau Prussien bourgeois (ou Biedermeier) du 19e et du début 20e... Cette époque et la nôtre, où l'énergie créatrice de l'état se concentre sur la re-construction d'un château - garant de la grandeur restaurée de l'histoire de cet état, triomphant de ses propres démons, nazis et communiste - comporte quelque similitude d'idéologie libérale conservatrice...

Pour me mettre en bouche, je me conforme à la proposition du staff et commence par le lieu le plus au sud, la charmante Haus am Waldsee.
Délicieuse maison de maître planté dans parc arboré au bord d'un charmant petit lac, cadre idéal pour une rencontre idyllique entre une Jane Austen et un Caspar David Friedrich si ces derniers avaient séjourné à Berlin en 1922.
1922, date de la construction de la villa pour un industriel qui préférera le classicisme à l'avant garde...
On nous dit qu'ici on a voulu jouer la carte de l'intime et de la collection privée. Est ce, ce qui justifie le peu de cohérence de ce maigre ensemble et ce malgré l'esquisse tenue d’une critique post-coloniale conceptualisée dans d’esthétisants displays?
Rien de vraiment désagréable à part la pluie torrentielle qui s'abat sur la ville depuis ce matin et qui ne cessera de la journée.

Curiosité inassouvie, je me laisse véhiculer jusqu'à la deuxième station le musée de Dahlem. Mais Dahlem... n'est-ce pas une création «post-mur»?(1)... Na ja, oublions le contenant, concentrons sur le contenu.
La biennale s'inscrit dans le parcours des collections du musée d'ethnologie. Ici la qualité des oeuvres est plus manifeste. L'ensemble est élégant. Les pièces sont plus conséquentes avec pour certaines, un soupçon d'ironie. Olaf Nicolai travesti discrètement au hall de l'entrée en centre commercial, David Chalmers Alesworth  fait broder des plans de jardins à la française ou de ville colonisés sur des tapis persans, tandis qu' Alberto Baraya occupe les vitrines d'une section de la maison avec un herbier de fleurs artificielles.
Il y a des oeuvres "conceptuello-poético-sémantiques" tel le très beau travail de Iman Issa ou de Anri Sala, bien que cet dernier ai déjà figuré à la dernière Biennale de Venise, ou encore Rosa Barba, Shahryar Nashat et puis encore pourquoi pas Sâadane Afif...
D'une manière général pas de grosse surprise, de choc, de répulsion, ni de sentiment d'être au coeur de la synthèse de l'esprit du temps, mais plutôt d'être en présence de pièce de commande... un tantinet 90'.

Littéralement affamée, je me replis vers le centre ville où après, restauration rapide et magnum de café, je suis prête pour le troisième round. Là, m'attend le Kunst-Werke, berceau de la biennale, pris d'assaut par la foule. L'épicentre a été transformé en White Cube. Il propose des oeuvres à caractère et thématique plus politique... géopolitique... globalisation... post-colonialisme... délocalisation...
Là encore des choses agréables, "Cool, calm and collected" comme le titre le TAZ. Le tout est effectivement édulcoré, ce qui engendre le sentiment chiffonnant de politiquement correcte... Je reste décidément sur ma faim et un soupçon d'agacement vient noircir mon humeur.

Dans un monde qui se déchire dans tous les sens, attentats et enlèvements, politiques, racistes, hégémoniques, le politique peut-il être "trendy", "hype", sans s'afficher comme une simple récupération? L'argumentation politique suffit-elle à en donner le sens à une œuvre, qui n'en affiche pas toujours les signes...
L'édition 2012 de la Biennale et l'extrémité de sa position activiste, ne l'a pas affranchi du simulacre.
Cette année le caractère universaliste esthétisé et institutionnalisé de cette édition, ne ramène-t-il pas à un ethnocentrisme nous assurant, que le mythe du bon sauvage n'est pas mort...

... Trop ou pas assez l'exercice de l'équilibre reste difficile.


www.berlinbiennale.de/

8. Berlin Biennale
29. Mai - 3. Aout 2014
Kurator, Juan A. Gaitán
Artistic Team, Tarek Atoui, Natasha Ginwala, Catalina Lozano, Mariana Munguía, Olaf Nicolai, Danh Vo.
Artists, Zarouhie Abdalian, Bani Abidi, Mathieu Kleyebe Abonnenc, Saâdane Afif, David Chalmers Alesworth, Maria Thereza Alves, Carlos Amorales, Andreas Angelidakis, Leonor Antunes, JulietaAranda, Tarek Atoui, Nairy Baghramian, Bianca Baldi, Patrick Alan Banfield, Alberto Baraya,
Rosa Barba, Gordon Bennett, Monica Bonvincini, Angela Bulloch, Zachary Cahill, Mariana Castillo Deball, Carolina Caycedo, Center for Historical Reenactments, Tacita Dean, Jimmie Durham, Michaela Eichwald, Mario García Torres, Beatriz González, Agatha Gothe-Snape, Shilpa Gupta, Cynthia Gutiérrez, Ganesh Haloi, Carsten Höller, Iman Issa, Irene Kopelman, Matts Leiderstam, Li Xiaofei, Glenn Ligon, Goshka Macuga, Santu Mofokeng, Shahryar Nashat, Olaf Nicolai, Otobong Nkanga, Christodoulos Panayiotou, Judy Radul, Jimmy Robert, Anri Sala, Slavs and Tatars, Michael Stevenson, Mariam Suhail, Vivan Sundaram, Gaganendranath Tagore, Wolfgang Tillmans, Tonel, Danh Vo & Xiu Xiu, Kemang Wa Lehulere, David Zink Yi, Carla Zaccagnini.

(1)La collection ethnographique est issue des collections du cabinet de curiosité des contes de Brandenburg, intégre en 1829 au Neue Museum. Elle s’affranchit de la tutelle de l’île aux musées en 1886 pour devenir une institution à part entière. Elle s'installe près de la Potsdamer Platz, dans un bâtiment qui ne survivra pas à la guerre. Après Guerre, elle sera montrée là où elle a trouvé refuge, c'est-a-dire dans les anciens entrepôts des Musées à Dahlem. 
En 1970, ces entrepôts, voisin de l’université sont désignés comme nouveau centre d’art et la construction/rénovation est confiée à Bruno Paul (1874-1968).
Jusqu’à la réunification, la Gemäldegalerie se trouvait aussi à Dahlem, mais depuis 1999 le musée est entièrement dédié à l'ethnologie.
En 2016 la collection devait re-déménager à Mitte sur le site du polémique château reconstruit ...




Haus am Waldsee

Matts Leiderstam, The Connoisseur's Eyes 2014
Haus am Waldsee, photo ⓒMj Ourtilane
Matts Leiderstam, The Connoisseur's Eyes 2014
Haus am Waldsee, photo ⓒMj Ourtilane
Dahlem, photo ⓒMaximilian Meisse
Olaf Nicolai, Szondi/Eden 2014
Dahlem, photo ⓒAnders Sune Berg
Iman Issa, Lexicon, work in progres 2012-2014
Dahlem, photo ⓒMj Ourtilane
Iman Issa, Lexicon, work in progres 2012-2014
Dahlem, photo ⓒMj Ourtilane
Anri Sala, UNRAVEL 2013
Dahlem, photo ⓒMj Ourtilane
Mariana Castillo Deball, You have time to show yourself before other eyes 2014
Dahlem, photo ⓒMj Ourtilane
Rosa Barba, Subconscious Society 2014
Dahlem, photo ⓒMj Ourtilane
Alberto Baraya, Comparative Studies, Herbarium of Artificial Plants, work in progres 202-2014
Dahlem, photo ⓒMj Ourtilane
David Chalmers Alesworth, Hyde Park, Kashan 1862-2011
Dahlem photo ⓒMj Ourtilane
Jimmy Robert, Vanishing point 2013
Dahlem, photo ⓒMj Ourtilane
Beatriz González, Pictografías particulares 2014
Dahlem, photo ⓒMj Ourtilane
Saâdane Afif, Là-bas 2014
Dahlem, photo ⓒMj Ourtilane
Kunst-Werke

Judy Radul, Look, look Away. Look Back 2014
KW, photo ⓒHaupt & Binder
Otobong Nkanga, In Pursuit of Bling 2014
KW, photo ⓒAnders Sune Berg 
Kemang Wa Lehulere, The grave steps 2014
KW, photo ⓒFabian Fröhlich 
Leonor Antunes, a secluded and pleasant land. in this land I wish to dwell. 2014
KW


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